La tour des anges by Peyramaure Michel

Auteur:Peyramaure, Michel [Peyramaure, Michel]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Historique
ISBN: 9782221120934
Éditeur: Robert Laffont
Publié: 2015-02-25T23:00:00+00:00

J’ai demandé hier à l’un des sergents de Barthélemy de fouiller la tour du Trouillas où il se peut que la Naine rouge se soit réfugiée. Il a cherché pendant une heure. Vainement.

J’en étais, hier soir, à me demander si Barthélemy n’avait pas rêvé, mais, peu avant l’heure de vêpres, alors que, chaudement emmitouflé, je faisais un brin de promenade le long de l’aile des Dignitaires, j’ai perçu une sorte de flamme pourpre qui déambulait sur le pont de l’aile opposée, sa tête dépassant à peine la balustrade.

J’ai crié. L’apparition a disparu comme dans un souffle d’air.

L’idée m’est alors venue de proposer aux ribauds d’effectuer des recherches à travers ce labyrinthe, avec une récompense pour celui qui mettrait la main sur cette apparition. Puis j’ai réfléchi et renoncé : ce serait donner à ces gueux l’occasion de parcourir des salles encore fermées et de piller ce qui avait échappé aux déménageurs. De plus, leur montrer qu’il me reste quelque pécune risquerait de leur mettre la puce à l’oreille et de les inciter à me mettre le couteau sur la gorge pour me dépouiller.

D’ailleurs il en va de ce genre d’apparition comme d’un rêve banal : à solliciter leur retour, ils s’estompent et disparaissent. J’attendrai une certitude.

***

Agricol Gastaldy n’avait guère de sympathie pour moi et me le montrait en toute circonstance.

J’avais conscience, et m’en étais ouvert à Liénor après la mort de mon père, qu’elle ne pouvait gérer seule l’auberge et qu’il lui fallait un compagnon qui occupât à la fois sa table et son lit. Les affaires tournaient rond car en Avignon l’argent coulait à flots.

Agricol avait travaillé aux cuisines du palais. Il avait débuté comme porteur d’eau sous le pontificat du pape Jean ; le maître queux l’ayant à la bonne, il était devenu marmiton, un travail aussi pénible que le précédent, mais avec des avantages non négligeables : les cuisiniers faisaient, si je puis dire, leur beurre en retenant les cuirs, les têtes et les pattes des animaux sacrifiés.

Il avait dû renoncer à ce travail lucratif à la suite d’un accident qui avait failli lui coûter la vie.

Lors de la réception qui accompagnait je ne sais plus quelle ambassade, on avait demandé aux cuisines un tel effort que l’incendie avait dévasté les locaux. Agricol avait été brûlé grièvement.

Peu après le décès de Cesare, il frappa à la porte de Liénor pour trouver de l’embauche. Il lui raconta les circonstances de sa blessure (il avait une main littéralement épluchée par le brasier), lui dit son souhait de travailler à l’auberge. D’assez bonne apparence, aussi prolixe que mon père était taciturne, il fut agréé.

Un peu trop hâtivement à mon gré.

Ce grand escogriffe brèche-dent, voûté, qui sentait la sueur et l’ail, s’érigea très vite en maître des lieux. Il commandait à tous, à moi comme à Liénor ; elle se pliait avec une surprenante inertie à ses ordres mais, moi, je regimbais. Lorsqu’il émit la prétention d’empiéter sur mon domaine dans le but de m’évincer, je lui fis comprendre que l’ancien marmiton qu’il était avait à s’occuper des fourneaux et de rien d’autre.

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